jeudi 11 octobre 2007

Les Six de Jena

Je n'étais dit que je ne ferais pas de politique sur mon blog et puis un jour, en juillet (le 17 exactement, ça m'a marquée, c'est la Sainte Charlotte...), je tombe sur un article du Monde, intitulé "l'arbre de la colère". Et je découvre le drame de Jena ; cette histoire semble tellement d'un autre temps, tellement incroyable, injuste qu'elle m'a profondément choquée. Voici les faits et leur évolution jusqu'à aujourd'hui.

Jena est une ville de 3000 habitants, dans l'état de la Louisiane, état sudiste qui fut ségrégationniste. C'est une ville à 85% blanche qui possède un lycée.
Et c'est là que toute l'histoire commence.
Au centre de la cour de cet établissement, il y a un arbre, à l'ombre duquel depuis des décennies, déjeunent les élèves blancs.
A la rentrée 2006, le 31 août, des élèves noirs demandèrent à la direction s'ils pouvaient également s'y installer. La direction donna son accord et les jeunes afro-américains y prirent leur premier lunch de l'année. Le lendemain, trois cordes à noeud de pendu se balançaient aux branches de l'arbre.
La direction considère cela comme une plaisanterie et les élèves blancs coupables sont punis de trois jours d'exclusion. Les parents des élèves noirs, scandalisés, dans un état marqué par le Ku Klux Klan, se mobilisent et quelques élèves organisent une petite manifestation dans la cour du lycée.
Aussitôt la police arrive, les menace, patrouille dans les couloirs et les médias locaux accusent les familles noires de créer des tensions "pour une blague de potaches". Finalement l'affaire retombe et la vie du lycée suit son cours malgré des tensions entre blancs et noirs.
Mails voilà, en novembre, le lycée est incendié et la ville est à cran. Lors d'une soirée un élève noir est battu par un groupe d'élèves blancs. Le jour suivant, d'autres élèves noirs sont menacés par le même élève avec une carabine; ils réussissent à le désarmer mais sont arrêtés pour vol d'arme et voie de fait!!
A partir de là tout s'enchaîne: personne n'a la même version des faits mais globalement des insultes, des propos racistes et des gestes obscènes déclenchent une bagarre généralisée dans l'école. Un élève blanc se retrouve à l'hôpital et 6 élèves noirs, déjà remarqués pendant la petite manifestation dans le lycée, sont arrêtés et inculpés, d'abord pour coups et blessures puis, sous la pression des enseignants (on rêve), pour tentative de meurtre et complot. Ils risquent 100 ans de prison. L'élève blanc, victime de la tentative de meurtre, est sorti le jour même et assistait à une fête le soir.
Si on résume jusque là, des élèves noirs, menacés, insultés, se défendent mais sont considérés comme coupables et responsables de ce qui leur arrive.
Les six élèves noirs, dont l'un est Mychal Bell, la star de l'équipe de football locale et futur étudiant universitaire, se retrouvent exclus du lycée, emprisonnés avec des cautions impossibles à payer puisqu'ils sont tous issus de familles pauvres. Tous, sauf un, sont jugés comme des adultes.
Le procès de Bell a commencé fin juin. Avec son avocat commis d'office qui n'a jamais remis en cause les faits, le jeune homme a fait face à un tribunal blanc, juge, jury, témoins. Rien sur son passé d'enfant sage, ses résultats scolaires satisfaisants, rien sur les menaces, les insultes. Et puisque l'accusation de meurtre requiert une arme, les chaussures de tennis du jeune homme deviennent "dangereuses".
Après une condamnation et de multiples appels, le 17 septembre, la peine de Bell est annulée, la Cour considérant qu'il n'aurait pas dû être jugé comme adulte. Il est toujours en prison ainsi que ses 5 autres camarades.
Des marches de soutien pour "les 6 de Jena" ont lieu régulièrement et les associations de droit de l'homme ainsi que des politiciens se mobilisent. La marche du 20 septembre à Jena a réuni plus de trente mille personnes et la presse nationale commence à parler de l'affaire. A Jena, des menaces sur un site internet appelle à "virer" les 6 de Jena et un adolescent blanc a été arrêté avec des cordes de pendu dans son van...
Le procès des autres adolescents est prévu pour la fin de l'année.
L'affaire de Jena ou quand la justice impartiale est la même pour tous...

Pour la rentrée 2007, l'arbre dans la cour du lycée a été coupé.

Pour plus d'informations, voici le site de la NAACP, association pour les droits des afro-américains depuis 1909.
http://www.naacp.org/news/press/2007-09-20/index.htm

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je trouve aberrant : 1. Que les enfants noirs " aient demandé la permission ", 2. Qu'ils ne s'y soient pas installés bien avant !!!!
J'ai dû rater un truc car je suis sidérée que cet arbre ait été " propriété " des petits blancs avant cet incident.

Une prof noire de Columbia a trouvé de petits pendus sur sa porte la semaine dernière : le KKK fait encore des émules même à NY, on dirait.